La différence entre l’âme et l’esprit
Question : J’ai une question au sujet de l’âme et de l’esprit. En lisant saint Jean de La Croix, il me semble qu’il ne fasse pas trop la différence entre l’âme et l’esprit. Sauf qu’il convient que la foi, l’espérance et l’amour soient purement théologaux, venant de Dieu et donc vous rejoint sur la forme passive de la mémoire, de l’entendement et de la volonté pour employer ses termes.
Est-ce que c’est vous qui séparez l’âme et l’esprit pour bien nous faire comprendre ou est-ce que j’ai loupé quelque chose dans saint Jean ?
Je comprendrais dès lors que nous avons une part de passivité dans la mémoire, l’entendement et la volonté qui nous relie à Dieu et une part active qui est notre travail pour permettre à Dieu de prendre place ? C’est correct ?
Du coup, est-ce que l’ombre de lumière et l’ombre obscure ont quelque chose à voir avec notre travail pour dilater cette partie et rentre de plus en plus claires les ombres ?
J’ai bien compris qu’à un moment l’esprit se détache complètement lorsqu’il y a union à Dieu. C’est avant que je ne vois pas bien.
Réponse :
Je répondrais d’emblée en disant que St. Jean de la Croix n’a point inventé cette distinction entre l’âme et l’esprit. Elle existait bien avant lui, dès les premiers siècles. Il l’a simplement développée, clarifiée et précisée. C’est tout. Elle n’est pas sienne ! Il a certainement laissé son empreinte sur cette notion, et, pour cette raison, elle mérite d’être étudiée chez lui ; mais on ne peut dire qu’elle n’est que de lui.
Il distingue bien les deux: l’âme et l’esprit. Pour lui l’action de Dieu se passe essentiellement dans l’esprit. Il peut lui arriver d’utiliser le mot « âme » pour simplifier, quand en fait, oui, il aurait pu dire « esprit ». Cependant, il est très clair quant à l’existence de la distinction et son contenu, même s’il faut bien se familiariser avec ses écrits pour pouvoir « voir » les distinctions entre les deux et les relations qui existent. Tout ce qui a lieu dans l’âme est un faible écho créé d’une partie de ce qui a lieu de manière incréée dans l’esprit. Dieu peut permettre qu’un écho ait lieu, avec des dosages et des formes que sa sagesse décide, selon nos besoins, et il peut permettre aussi de l’empêcher totalement. C’est-à-dire qu’une personne peut avoir son esprit totalement uni à Dieu, mais le « voile » (c’est une manière de parler) entre l’âme et l’esprit peut être devenu opaque, ne laissant rien filtrer ! C’est Dieu qui décide. C’est pour cela qu’on ne peut jamais juger de ce qui a lieu dans l’esprit. L’âme, qui est le juge et celle qui perçoit, n’a pas un accès direct à l’esprit. Ceci est l’enseignement de saint Jean de la croix ! Il explique très bien la différence entre l’action de Dieu ici et là en disant, quant à la quantité, que c’est comme une goutte d’eau par rapport à l’océan, et, quant à la qualité, que c’est un métal vil comparé à l’or (cfr. Montée du Carmel, livre II, chapitre 29 paragraphes 4-6).
Ste Thérèse, décrivant son état avant son épreuve de participation à la Rédemption vers la fin de sa vie disait: je jouissais de la lumière de foi. C’est à dire que ce qui avait lieu dans on esprit, avait comme des échos créés dans son âme. En effet elle était déjà unie à Dieu et c’est ainsi qu’elle décrit comment elle vivait sa foi. Si on n’a pas en mémoire la distinction claire entre l’esprit et l’âme, on ne peut comprendre ce qu’elle dit.
Les Ecritures
L’esprit est au fond de nous, il est le sommet de l’âme, la partie qui entre en contact avec Dieu directement, celle qui voit Dieu. Cette réalité traverse toute l’histoire de la spiritualité, dès les premiers grands auteurs. St. Paul mentionne la division tripartite une seule fois. « Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé irrépréhensible, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ! » (1 Th 5,23) Il signale par contre plusieurs fois la division entre âme et esprit comme on le verra plus bas.
Un autre verset montre la distinction entre l’esprit et l’âme est Hébreux 4,12: « Car la parole de Dieu est vivante et efficace, et plus pénétrante qu’aucune épée à deux tranchants; et elle atteint jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit. » Ou encore : Jn 3,6: « Ce qui est né de l’Esprit est esprit. » Enfin: « Heureux les pauvres en esprit » (Mt 5,3).
Revenons à St. Paull: « C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » (Rom 8,16) L’action essentielle de l’Esprit Saint a lieu dans le fond de notre être, dans l’esprit. C’est là que le contact direct avec Dieu (l’Esprit Saint Dieu) a lieu. Voilà aussi un des meilleurs passages de l’Écriture sur la question : « Si je prie en langues, mon esprit, assurément, est en prière, mais mon intelligence reste sans fruit » (1Co 14,14). L’esprit est supra-conscient, au-delà de la saisie intelligente, tandis que l’intelligence (l’intelligence étant une faculté de l’âme) elle, est consciente, elle perçoit. St. Paul ici analyse le charisme de glossolalie (parler en langues), et dit que parler en langue est une forme de prière, mais qu’elle n’est utile à personne, car elle n’est pas compréhensible à l’âme (c’est-à-dire à l’intelligence consciente). Ceci dit, il affirme bien : l’esprit cependant prie ! Donc, au delà de la conscience, il y a encore quelque chose en moi qui prie ! Et cette chose est une merveille ! C’est l’esprit.
Les Pères de l’Eglise
La notion d’esprit (ou « noûs » (νοῦς) en grec ancien) est fondamentale dans notre vie spirituelle. C’est cette partie que les Pères de l’Église appellent de manière plus propre (en se référant aux paroles de l’Écriture) : « l’Image et la Ressemblance » (en se référant au fait que nous sommes « créés à l’image et à la ressemblance de Dieu »). Pour eux, c’est plus spécifiquement notre esprit (le noûs) qui est cette image et ressemblance avec Dieu. En effet notre esprit, la fine pointe de l’âme ou son fond, est seul capable d’entrer en contact direct avec Dieu.
Toujours selon eux, l’être humain (qui est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu), quand il s’éloigne de Dieu ou sort de sa communion, il perd la ressemblance mais garde l’image.
Exemples
Pour mieux comprendre l’esprit, prenons un exemple: l’esprit serait comme la pâte à modeler. « L’image » est la pâte elle-même, sa capacité, de par sa nature, telle qu’elle est créée par Dieu, d’entrer en relation directe, immédiate (sans médiation) avec la Nature divine. La « ressemblance » serait la forme que prend la pâte à modeler, ici ce sera la beauté-même de Dieu. Si nous aimons les créatures de manière idolâtre, alors notre esprit prend la « forme », la « beauté » de ces créatures. Si par contre nous aimons Dieu (culte de latrie), notre esprit revêt lentement la « forme » (« forme sans forme » dira saint Jean de la Croix, car Incréée, difficile à décrire) de Dieu lui-même, sa beauté! De fait c’est Dieu qui imprime sa beauté en nous, dans cette partie la plus profonde de notre être, notre esprit.
Un autre exemple pourrait nous aider à comprendre : si nous sommes comme une montagne, le sommet de notre être (notre esprit) est au delà des nuages et peut voir le Soleil (Dieu). Par contre le corps et l’âme, sont en dessous des nuages. Pour prendre des expressions qui nous sont plus communes, nous pourrions dire que l’âme et le corps sont la partie consciente de l’être humain et que l’esprit se situe non seulement dans la passivité ou mieux « réceptivité », mais il est au-delà de la conscience. J’aime bien l’expression d’un philosophe catholique, Jacques Maritain, le « supra-conscient », car en fait c’est une zone plus élevée que la partie consciente, et plus proche de Dieu.
(Notons que dans cet exemple, même s’il est question de corps, d’âme et d’esprit, c’est une seule et même montagne; mais elle a comme différents niveaux.)
Je prends aussi souvent l’exemple de la Communion : quand nous recevons la Communion, nous recevons la nature créée du Christ, sa nature humaine : son corps, son âme et son esprit et nous recevons aussi sa Nature divine. Il y a donc contact direct en nous entre sa Divinité et notre être ! où a lieu ce contact ? comment se fait-il qu’on ne le ressente pas directement ? Justement c’est un comprenant qu’il y a une zone en nous plus profonde que la conscience, toujours une partie de nous, toujours une partie de l’âme, mais son sommet, qui entre en contact direct avec Dieu.
St Jean de la Croix osera quelque chose de relativement inouï, il dira que même au ciel, seul notre esprit peut voir Dieu directement (voir dernière strophe du Cantique Spirituel, fin). Si on y réfléchit un peu on peut saisir la question : c’est une question de nature de la chose et de sa capacité ! L’esprit en effet, est mystérieux, dans le sens qu’il est capable d’entrer en contact direct avec Dieu ! Comment expliquer ce mystère ? Le contenant âme est bien plus étroit et ne peut recevoir que des grâces créées ! On les ressent, on les voit, on les comprend, d’accord, mais c’est du créée et non l’incréé ! Ce n’est point la nature même de Dieu ! Seul l’esprit est capable de la nature incréée de Dieu.
Le Christ dit qu’il est nécessaire de faire renaître cette partie de notre être afin de pouvoir « voir » le Royaume, ou Dieu (Jean 3). C’est par le développement de la Semence du Baptême, que cette partie de notre être reprend, pas à pas, la Forme divine perdue, la Ressemblance.
C’est cet « esprit » auquel on se réfère durant les prières publiques de l’Église (« et avec votre esprit »). Cet esprit est cette partie de la montagne, de notre être qui se situe « au delà des nuages », dans le « supra-conscient ». C’est pour cela que nous parlons souvent de « foi », car ce qui voit en nous c’est l’âme, l’intelligence, la conscience – et l’âme par définition ne peut voir directement Dieu car elle est trop petite. Ce qui n’est pas le cas de notre esprit. De fait, l’esprit est bien plus élevé, et est touché par Dieu directement. L’âme elle, n’est touchée que par les Paroles qui sont Esprit et Vie. L’esprit en fait c’est « le cœur » au sens biblique, la partie la plus profonde de notre être et qui entre en contact direct avec Dieu. Partie mystérieuse, « à moitié morte » au départ comme cet homme de la parabole du Bon Samaritain, et qui est renouvelée, pas à pas, au fil de notre écoute de la Parole et surtout au fil de notre immersion en Dieu, par la Communion Eucharistique et par la Prière du Cœur qui en est le prolongement durant la journée.
C’est pour cela aussi que le prêtre, avant d’entrer dans la partie la plus profonde du Mystère de Dieu dans la Messe dit: « Élevons notre cœur ». Et nous répondons : « nous le tournons vers le Seigneur ». C’est ce « cœur », ou « esprit » dont il s’agit dans la Contemplation, qu’est la seconde partie de la Messe, la liturgie Eucharistique, cette entrée dans la Circulation divine, où le Ciel s’ouvre de manière particulièrement forte (nous rejoignons les Anges et les Saints dans leur louange et dans leur adoration).
C’est pour cette raison que l’esprit du Prêtre et le nôtre, sont immergés dans une profonde contemplation, immergés en Dieu, ravis et béats dans cette Lumière-Amoureuse qui les prend en Elle. C’est surtout à ce niveau que la seconde partie de la Messe se place. C’est pour toutes ces raisons (et bien d’autres) que le dialogue entre le prêtre et les fidèles vise à éveiller notre attention à cette réalité profonde, bien plus réelle et bien plus importante : notre esprit est en contact, d’esprit à esprit (« bouche à bouche » (Nb 12,8)), avec Dieu.
Le fidèle – et le Prêtre bien sûr (puisqu’il est un fidèle) – se donnent au Seigneur et plongent leur cœur dans son Amour qui se donne à nous. C’est ainsi que toute prière dialoguée en présence d’un prêtre commence :
– Le Seigneur soit avec vous (c’est-à-dire : avec votre esprit).
– Et avec votre esprit.
– Elevons notre cœur (notre esprit)
– Nous le tournons vers le Seigneur.
Dans le catéchisme de l’Église catholique il est question de la Prière du Cœur, appelée aussi « Oraison », ou « Oraison mentale ». Ici, comme pour « esprit », « mentale » ne fait pas allusion au mental, ou à l’intelligence, ou à la conscience! « mental » est traduit du latin médiéval « mentalis » qui renvoie à « mens », c’est à dire esprit. Quand saint Augustin – ou saint Thomas d’Aquin par la suite – utilise le terme « mens », il fait allusion à la même chose que nous venons de voir plus haut : « l’esprit ». Cela n’a rien à voir avec l’intelligence (l’âme consciente), mais avec le « mens ».
On ne peut confondre la partie consciente, qu’on nommera « âme » de la partie supra-consciente, l’esprit. Ceci dit, même si ce sont deux zones de notre être, il est préférable de ne pas perdre de vue le fait que l’esprit est une partie de l’âme et de ainsi garder l’unité de l’être humain! Ceci est important. Sinon, on disloque trop l’être humain.
Le développement de l’esprit dans la vie spirituelle
La question se pose : est-ce que l’esprit dans l’être humain est inchangé ? Oh que non ! Nous naissons avec l’esprit « à moitié mort » pour reprendre l’expression utilisée dans la parabole du Bon Samaritain (Luc 10,30). C’est pour cela que le Seigneur dira à Nicodème qu’il est nécessaire pour tout être humain qui veut entrer dans le Royaume de Dieu de naître à nouveau (voir Jean 3).
L’esprit à moitié-mort diront les Pères de l’Église a perdu la ressemblance mais a gardé l’image de Dieu en lui. Certes elle aussi détériorée, mais elle est là. Dans mes dessins je représente l’esprit à cet état comme étant totalement aplatit (et non rond, la rondeur ou forme circulaire renvoie à ce qui est divin), et rapproché de l’âme. Pourquoi ? Car justement l’esprit qui au départ (disons chez Adam) est rond, transformé en Dieu et uni à Lui, s’est séparé de Dieu, il est comme sorti de la présence de Dieu, sorti du Paradis. Il est donc un peu comme « retombé » sur l’âme, plus proche de l’âme.
Distinguer par notre expérience entre l’esprit et l’âme est difficile. Si d’un côté les exemples pris plus haut sont facilement convaincants (pensons à la Communion), du point de vue de la perception directe c’est autre chose. Ste Thérèse d’Avila elle-même dira que la distinction est difficile à « voir », mais qu’elle est vraie (voir Château Intérieur, la Septième demeure). Elle prendra deux exemples pour nous montrer la différence entre l’esprit et l’âme. Son langage est expérientiel. Le premier exemple est celui du Roi qui est dans son palais (l’esprit) et son royaume (l’âme). Le second est celui de la tête (l’esprit) et du corps entier (l’âme) (Cf. 7D 2,11). Notons la notion d’unité implicite à l’exemple de la tête et du corps: ils sont une seule personne. Mais elle rit dit-elle de ces exemples qui ne savent mieux expliquer la différence entre l’esprit et l’âme que pourtant elle note.
Toute grâce reçue passe d’abord par l’esprit. Se confier à Marie, écouter la Parole du Christ et la mettre en pratique, se plonger en Dieu par la Prière du cœur, les grâces qui passent par les sacrements, sont tant d’occasions pour recevoir l’action directe de l’Esprit Saint et par conséquent lui permettre d’agir dans notre esprit, de le purifier, de l’élargir, de le transformer, de lui redonner la ressemblance perdue.
Ce travail est douloureux, mais nécessaire. Celui qui essentiellement opère ici c’est Dieu, car seul lui a accès à l’esprit. Nous ne pouvons influencer directement l’esprit ni contrôler l’opacité ou non du « voile » qui se trouve entre l’âme et l’esprit.
Au départ, lors de la réception des grâces, vu la proximité de l’esprit de l’âme, les deux semblent mus ensembles. C’est ce qui explique que lors de certaines grâces fortes, les deux, l’esprit et l’âme (disons-le autrement : la partie supérieure de l’être humain, car la distinction n’est point faite encore, ils semblent un), sont pris par Dieu, et si c’est trop fort, nous sommes dans une sorte d’absorption forte qui laisse un peu le corps de côté. « Extase », « rapt », « vol de l’esprit », etc. sont des variations d’intensité. (Sainte Thérèse d’Avila est celle qui parle de ces différentes grâces.)
Plus Dieu agit en nous, plus l’esprit se purifie, plus il se prépare pour s’unir à Dieu.
Comme on vient de le voir, les grâces fortes provoquent des états où le corps (ou la moitié inférieure de notre être) est un peu délaissé. De plus l’être humain souffre de l’intensité de l’action de Dieu. Les deux, l’âme rationnelle et l’esprit, sont ensemble immergés en Dieu.
Ce n’est que quand la purification sera achevée, et les fiançailles spirituelles réalisées que l’esprit, lors du mariage spirituel, finalement retrouvera sa place, c’est-à-dire sera « uni à Dieu » de manière permanente. C’est pour cette raison je dis qu’il est comme « sorti » de cet état d’applatissement vers l’âme dans lequel il se trouvait. L’image est mienne.
Pour illustrer ce nouvel état, je préfère dessiner l’esprit sous forme de cercle foncé (de la couleur de Dieu) car il est désormais uni à Dieu. C’est l’état d’union d’amour ou mariage spirituel. Etat normalement stable sauf exceptions. (« stable » mais avec une croissance vertigineuse pourtant!) Et dans cet état l’esprit est constamment uni, et l’âme ici retrouve son fonctionnement naturel normal, la vie du corps n’est point interrompue non plus. Voilà le paradoxe. On comprend mieux aussi le Christ (dans son humanité) et la Vierge: il est possible d’avoir une puissance inouïe d’union, dans une apparence (âme et corps) de normalité déconcertante. C’est parce que l’esprit est libre, uni à Dieu, et d’une certaine manière dans une « sphère » différente. (Il est difficile d’exprimer avec nos pauvres mots ces réalités sublimes.)
Pour compléter le dessin, j’ajoute un voile entre l’âme d’un côté et l’esprit désormais uni de l’autre, car ce qui se passe dans l’esprit, l’âme ne peut en aucun cas le voir directement. C’est trop intense ! La paix et l’équilibre est dans cette personne et la puissance de l’action de la grâce ne nuit pas la personne comme c’était le cas avant l’Union.
Même si la modélisation dans le dessin plus haut est mienne, où l’esprit est comme formé et uni à Dieu, comme « séparé » de l’âme (« séparé » est à prendre avec des pincettes, car il n’est pas vraiment séparé, ce serait absurde, c’est un même être), et un voile est représenté, le contenu de la modélisation, l’enseignement est bien présent chez saint Jean de la croix sans modification.
Remarque: Si la distinction entre âme (consciente) et l’esprit (supra-conscient) n’est pas faite en vie spirituelle, les conséquences sont désastreuses, car on finit par croire que si on ne sent pas Dieu (sentir étant le propre de l’expérience et de la conscience), c’est alors que Dieu n’est pas là ! Or, il arrive souvent que Dieu ne se fasse pas du tout sentir dans la Prière du cœur, et pourtant, il est bien là et agissant!
Rappelons-nous la réaction de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus quand elle a lu saint Jean de la croix à 17 ans : elle a prié Dieu de réaliser en elle tout ce qu’elle lit ! Et vers la fin de sa vie, ses sœurs s’étonneront qu’elle dise qu’elle n’y voit goutte quand en fait elle écrit des poèmes enflammés d’amour. Elle répondra qu’elle ne sent rien, mais que l’important c’est que tout soit là, présent, au-dedans, au fond (c’est-à-dire caché à la perception). Comment le sent-elle? comment le pressent-elle? C’est un paix véritable bien bien au fond de son être (dans son esprit je dirais).
Conclusion
La question de l’esprit est une question qui soulève un point de discernement fondamental dans notre vie spirituelle duquel presque tout découle, et sans lequel tout s’écroule. Si l’auteur d’un livre spirituel ne « voit » pas l’esprit du point de vue de l’anthropologie surnaturelle, ce qu’il dit serait suspect, c’est le moins qu’on puisse dire. Ceci dit, ne vous étonnez pas si vous en trouvez plus d’un. On ne s’improvise pas dans ce domaine !
De plus, cette réalité en nous n’est pas très connue, surtout du point de vue pratique! On ne sait pas « comment faire oraison », « comment faire la prière du cœur ». Le regard du cœur, durant la Messe, n’est contemplatif qu’au hasard d’une chance, et pourtant, ces choses s’apprennent, et pourraient devenir constantes.
Jean
Bibliographie succinte
– Article « esprit » dans le Dictionnaire de Spiritualité, Louis Cognet, Tome 4 – Colonne 1233.
– Louis Guillet, Gethsémani. Ste Thérèse: l’amour crucifié, 1979.
– Henry de Lubac, L’esprit, dans « Théologie dans l’histoire », 1990.
– Henri Sanson. L’esprit humain selon saint Jean de la Croix, 1953.
– The Tripartie Biblical Vision of Man: A Key to Christian Life, by Mgr Arthur Calkins.
– Tripartite Biblical Anthropology Illustrated by a Few Saints, by Mgr Arthur Calkins.