Marie est le monde du Troisième Jour[1], ou mieux encore du Huitième Jour[2]. Marie est un espace immense capable d’englober tous les élus ; et pour toujours! Elle est « la Jérusalem Céleste ». Elle a déjà commencé. Elle est déjà existante au Ciel. Sur terre, tous les élus sont cachés en elle et formés. Au ciel, ils l’habitent de manière définitive. Elle est la demeure éternelle ! Si on « entre en Marie », si elle vit en nous et croît, après l’union, ou encore lors de la mort, nous ne sommes pas appelés à la quitter, ou à sortir d’elle ! Tout au contraire.
En plus d’être notre destination finale, elle est aussi le chemin qui y mène. Elle est ce passage étroit qui nous introduit dans le monde qui n’a plus de fin, le Jour sans Déclin ! On y entre par une porte étroite.
Dès cette vie sur terre nous avons la possibilité d’accéder à ce monde « futur », d’y être, d’y demeurer ! et ce, pour toujours !
Marie est dès le premier instant de sa conception fille et Mère du « Jour sans fin de Dieu », du « Jour éternel », car elle est sauvée par anticipation, c’est sa nature, sa nature gardée par la suite intacte.
Dieu est Lumière. La « lumière des hommes » (Jn 1). Lumière éternelle, incréée, sans fin. Il est Lumière. Il « « habite une lumière inaccessible » (1 Tim 6,16). Marie est ce monde. Elle lui appartient dès le premier instant de sa conception. De fait, elle est conçue sur la Croix par le Christ. Dieu l’extrait du côté du Christ endormi sur la Croix. A partir d’une côte, Dieu se bâtit une Demeure éternelle, Marie. Il se réjouit en Elle ; il y prend ses délices.
Quand, sur le mont Thabor, le Christ a manifesté aux trois apôtres son Être tel qu’il est, c’était au huitième jour comme le souligne St. Luc dans son récit de la transfiguration[3]. Ils ont pu le voir tel qu’il est car ils avaient été admis dans la lumière/le monde de la Résurrection.[4] Ils ont pu y entrer. Ils sont entrés en Marie. Ils ont connu le monde de Marie !
Notre foi devient la Foi de Marie, la réalité de Marie !
Il y a une « porte étroite ». On y entre. Un conduit étroit. On le traverse. On sort de l’autre côté : on se trouve alors dans le Dernier Jour ! LE Jour. Le Jour sans Fin. On s’installe en Elle.
Quand j’invoque Marie « Conçue sans péché », c’est comme la décrire comme étant déjà parvenue, déjà appartenant (dès le premier instant de sa conception) au monde futur ! à une sphère autre, et pourtant elle va vivre dans le temps les souffrances normales. Quel Mystère !, être déjà « du monde Futur », être déjà du Jour Éternel, car sauvée par anticipation, et être en même temps sur terre !
Et voilà que pour nous, nous pouvons accéder à ce monde final, éternel… dès la vie sur terre.
Voilà comment Pierre évoquera cette lumière éternelle, de ce monde éternel. Il ne parlera pas de jour, jour extérieur à nous-même ! Il ira plutôt vers un astre : l’Etoile du matin (Jésus). Et où se trouvera-telle ? Dans notre cœur ! : « Et ainsi se confirme pour nous la parole prophétique ; vous faites bien de fixer votre attention sur elle, comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’Etoile du matin se lève dans vos cœurs. » (2P 1,19)
On ne peut voir l’Etoile du matin luire dans notre cœur, briller de tout son éclat, que si nous avons la capacité de Marie, ses yeux et son cœur, développés dans toute « leur hauteur ».
Jésus est la lumière du monde, il est le Jour Eternel[5], le jour sans déclin ! Ce jour existe déjà, il est inauguré le matin de Pâques ! Il restera. De fait, le Dimanche de la résurrection suit le Sabbat Juif qui est le septième jour ! Dimanche est le huitième jour ! « C’est pourquoi aussi le Seigneur a imprimé son sceau à son jour, qui est le troisième après la passion. Mais, dans le cycle hebdomadaire, il est le huitième après le septième c’est-à-dire après le sabbat, et le premier de la semaine ».6 dit saint Augustin.
Le huitième jour est la figure de l’éternité. « D’autre part, le fait que le sabbat soit le septième jour de la semaine fait envisager le jour du Seigneur à la lumière d’un symbolisme complémentaire, cher aux Pères : le dimanche est le premier jour et aussi « le huitième jour », c’est-à-dire placé, par rapport à la succession septénaire des jours, dans une position unique et transcendante, qui évoque non seulement le commencement du temps, mais encore son terme, dans le « siècle à venir ».[6]
« Saint Basile explique que le dimanche représente le jour vraiment unique qui suivra le temps actuel, le jour infini qui ne connaîtra ni soir ni matin, le siècle impérissable qui ne pourra pas vieillir; le dimanche est l’annonce constante de la vie sans fin, qui ranime l’espérance des chrétiens et les encourage sur leur route. »[7]
Dans la perspective du dernier jour, qui réalisera pleinement le symbolisme anticipateur du sabbat, saint Augustin conclut les Confessions en parlant de l’eschaton comme « paix du repos, paix du sabbat, paix sans soir ».[8] L’auteur de l’épitre aux Hébreux parle de la Paix éternelle, la paix ou le repos du Sabbat éternel, et nous invite à y entrer : « Empressons-nous donc d’entrer dans ce repos-là » (He 4,11).
Étant en Marie, ouvrons les yeux et contemplons en elle, le monde de Dieu, le monde du Jour Éternel.
Vers qui allons-nous ? Vers Marie. Qui est Marie ? Elle est « la montagne de Sion », c’est-à-dire « la Jérusalem Nouvelle », celle dont Dieu et l’Agneau sont les uniques lumières (voir Ap 21-22). Il n’y a point de Soleil. Marie mère de tous, qui porte tous, qui introduit chacun dans son sein immense ! lumineux… Éternel… final.. « vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des myriades d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous, et vers les esprits des justes amenés à la perfection. Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une alliance nouvelle, et vers le sang de l’aspersion, son sang qui parle plus fort que celui d’Abel. » (He 12,22-24)
Habitons donc la montagne de Sion, habitons donc Marie, la Jérusalem Nouvelle, dès maintenant jouissons de sa lumière qui ne finira jamais.
Le Huitième Jour
« Yahvé, qui logera sous ta Tente, habitera sur ta sainte Montagne? » (Ps 15,1)
L’unique Tente est le Fils lui-même, la Tente que le Père nous offre. C’est pour cela que quand Pierre dit qu’il fera une tente pour Jésus, une pour Moïse et une pour Elie, « il ne savait pas ce qu’il disait », il ne pas comprenait pas qu’il n’y a qu’une seule Tente: le Christ. Et c’est pour cela que la fin de la Transfiguration est marquée par cette transformation due à la Nuée (véritable Tente) qui prend tous sous son ombre: il ne virent plus personne sauf le Christ! Le Christ seul demeure, car tout est entré « en Lui ».
« Yahvé, qui logera sous ta Tente, habitera sur ta sainte Montagne? » (Ps 15,1)
Le but de notre vie est d’habiter « sous la Tente de Dieu », pour toujours! La Transfiguration (la Messe chaque Dimanche) est notre programme de vie et de croissance jusqu’à ce que l’on « entre sous la Tente » que le Père nous donne: le Fils plein de Grâce.
« Yahvé, qui logera sous ta Tente, habitera sur ta sainte Montagne? » (Ps 15,1)
La Messe est vraiment le moment de Transfiguration hebdomadaire qui nous est offert! Moment normalement riche de Gloire. Durant la Messe, beaucoup de choses nous disent que nous sommes en réalité « sur la sainte Montagne » de Dieu, le Christ, la montagne de la Transfiguration, la Hauteur du Christ.
Nous disons bien: « Gloire à Dieu » (on chante le Gloria). Or dire « Gloire » c’est être devant la Gloire de Dieu! Sinon, pourquoi dire « Gloire »? Si nous ne sommes pas « dans la Gloire » comment pourrionsnous dire: « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix aux hommes sur terre »? La Gloire de Dieu est sur terre! Qui lit bien le Gloria trouve qu’il souligne l’existence de la Gloire aussi sur terre! Et cette affirmation grandiose et étonnante que la Transfiguration a lieu durant la Messe est reprise lors du Sanctus: « Le Ciel est la Terre sont Remplis de Ta Gloire »! Quelle puissance! Et quelle étonnante affirmation: la Terre, là où nous nous trouvons, entrain de dire le Gloria, la Messe, l’Eglise où nous sommes, là où nous sommes debout, ce Lieu est « Rempli de Ta Gloire »!
L’Eglise est le lieu où nous nous rassemblons chaque Dimanche, l’Eglise est ce lieu unique où a lieu la Transfiguration, où nous sommes conviés pour Rencontrer le Ressuscité, à portes closes! Les murs de cette Eglise, lors de leur consécration sont oints par l’Huile sainte et bénie, pour abriter cette expérience unique: la Transfiguration hebdomadaire!
De plus, à chaque fois que le Prêtre dit: « la Paix soit avec vous » ou « le Seigneur soit avec vous », il nous rappelle que le Christ Ressuscité est parmi nous! Quelle Grandeur imprègne ces moments Sacrés où nous pouvons voir, par les yeux du Cœur, le Christ Ressuscité, présent parmi nous!
Nous comptons pour cela sur les Yeux et le Cœur de Marie: « ne regarde pas nos péchés (tout acte que l’on poserait, tout moyen autre que Marie que l’on chercherait pour Te rencontrer, Te voir et entrer sous ta Tente, ô Christ) mais la foi de ton Église » c’est à dire Marie elle-même! « La Foi de Marie devient notre foi »! Elle est l’Échelle sacrée (« Échelle de Jacob ») qui nous fait monter vers le Fils, vers sa Hauteur vertigineuse! Elle est celle qui nous montre le Ressuscité (« Hodiguitria »). Sans ses yeux, sans son cœur, comment pourrions-nous supporter l’intensité éblouissante du Ressuscité, sans les yeux du cœur de Marie, comment pourrions-nous tenir Debout devant le Christ?
Et nous voilà debout lors de la Procession de l’Évangile car le Christ EST présent parmi nous, il marche parmi nous comme il y a 2000 ans. Il est présent réellement, et il va ouvrir sa Bouche et nous parler! « Debout » nous éveille le Diacre, car « C’est le Christ » qui est là et qui va parler! Nous sommes debout aussi durant la Proclamation de l’Évangile, et le Prêtre (ou le Diacre) nous dit: « écoutons attentivement »: parce que c’est le Christ qui va parler!
Le Prêtre chante l’Évangile, car « chanter » c’est aller lentement, c’est goûter chaque mot, et être porté par la contemplation des Paroles qui sont Esprit Saint et Vie divine qui nous sont données et leur donner le temps de pénétrer dans notre cœur et dans notre intelligence, c’est donner le temps au Sacrement de la Proclamation d’agir, c’est à dire à l’Esprit Saint de faire entrer en nous les Paroles qui sont Esprit et Vie! Nous voilà DEBOUT devant le Christ! Comment avons-nous pu nous mettre debout devant le Roi de Gloire? Quel mystère!!
Rendons grâce à Dieu qui nous offre chaque semaine d’entrer dans la Lumière du Huitième Jour, ce Jour final, le Jour de la Résurrection, « le Jour que fit le Seigneur », le Jour du Seigneur, cet Univers tout de Lumière où il n’y a pas point d’ombre
Tachons de recevoir avec attention, et tous ensemble, la Grâce toute spéciale, donnée à tous pour participer avec fruit aux Saint Mystères,
grâce qui permet à notre faiblesse, à notre manque de concentration, d’être recueillis, attentifs, ayant la bouche de notre cœur et de notre intelligence ouvertes, les yeux du cœur ouverts, grâce qui nous élève et nous rend digne de participer à la Contemplation des Paroles qui sont Esprit et Vie, de voir le Christ, de l’Écouter et de digérer ses Paroles et de prendre part à son Baiser (la Communion), d’être mangés par Lui, d’entrer sous Sa Tente. Qui est comme nous, race de Saints?!!
« Yahvé, qui logera sous ta Tente, habitera sur ta sainte Montagne? » (Ps 15,1)
Observation
Ce qui compte c’est surtout cela: essayer de vivre ainsi, et pour cela, on noteras que le texte mentionne l’existence d’une grâce spécifique donnée à tous (mais il faut la demander, la vouloir, la recevoir) pour un recueillement (pour arriver à la surface de l’eau), une grâce de secours général qui fait arriver à la frontière de l’Action de Dieu… ce qui fait que la Messe vécue ainsi (en tous les cas progressivement jusqu’à l’union) est donné à tous! Ce point est important.
C’est un point énorme à approfondir et à développer car si, par le Huitième Jour, Dieu nous convie de manière hebdomadaire à une expérience mystique (participer aux Saints Mystères), il nous en donne les moyens!! Il n’y a pas de privilégiés ! Cependant, si on ne se prépare pas à cette Grâce, on est là comme des étrangers, on n’entre pas en Christ, notre cœur, contrairement à ce qu’on rabâche, ne sera pas « dans le Seigneur »!! (« – élevons notre cœur », « – nous le tournons vers le Seigneur »).
[1] Le jour de la Résurrection.
[2] Le jour de la Résurrection étant Dimanche, le huitième jour est le jour qui n’a pas de fin, l’Éternité. Celle-ci est inaugurée, pour nous, au Dimanche de la Résurrection.
[3] « Environ huit jours après avoir prononcé ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. » (Luc 9,28)
[4] Souvenons-nous qu’il y a un lien profond entre la Transfiguration et la Résurrection. En descendant de la montagne, Jésus dit à ses disciples : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. » (Mt 17,9) Idem. Pour Marc 9,9. Dans leurs commentaires du récit de la transfiguration, les pères de l’église ont noté ce lien.
[5] « Verbe égal au Très-Haut, notre unique espérance, Jour éternel de la terre et des cieux, » (Cantique de Jean Racine) 6 Disc. VIII dans l’octave de Pâques, 4: PL 46, 841. Passage cité dans la belle lettre de Jean Paul II sur le Dimanche, « Dies Domini ».
[6] Jean Paul II, Dies Domini, 26.
[7] Cf. S. Basile, Sur le Saint-Esprit, 27,66: SC 17, pp. 484-485. Cf. aussi Épître de Barnabé 15,8-9: SC 172, pp. 186-189; S. Justin, Dialogue avec Tryphon, 24 et 138: PG 6, 528 et 793; Origène, Commentaires sur les Psaumes, psaume 118 (119), 1: PG 12, 1588.
[8] « Domine, præstitisti nobis pacem quietis, pacem sabbati, pacem sine vespera »: Confessions, XIII, 50: CCL 27, p. 272.