« Qui est celle-ci qui surgit comme l’Aurore? » (Ct 6,10)
Résumé: Le texte qui suit tient compte d’une donnée implicite à la foi qui est l’apparition du Christ Ressuscité à Marie à l’aube du Troisième jour après sa mort. Il entend contempler le mystère de cette rencontre avec plus de profondeur et en approfondir les conséquences pour la foi de chacun d’entre nous. Jean Khoury |
Introduction
Est-il normal que dans l’Evangile, le plus grand mystère à révéler soit dans son aspect le plus profond passé sous silence (ou caché)? De fait, le moment-même de la Résurrection, dans toute sa richesse, n’est pas raconté dans les Evangiles. Et pourtant c’est la Résurrection qui est le point central de notre foi: « si le Christ n’est pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi votre foi » et dans ce cas-là « nous sommes les plus à plaindre » (1 Co 15,16.18). Ce sont les apparitions du Ressuscité que nous trouvons dans l’Evangile et non la Résurrection elle-même dans toute sa richesse mystique d’union entre l’Epoux et l’Epouse. De plus ce sont toutes des apparitions qui ont échoué, car on ne L’attendait pas!
Participer à la résurrection du Christ[1], s’unir à Lui, ne peut avoir lieu que si, participants à sa mort, nous l’attendons prêts à le recevoir et à nous unir à Lui. Voyons cela de plus prêt.
La rencontre avec le Ressuscité est une union à Lui
Le moment fondamental de la Résurrection se présente en deux étapes (double noces), deux unions, tout à fait liées l’une à l’autre:
1- l’âme et l’esprit du Christ se réunissent à son corps, ce dernier reprend vie (il ressuscite),
2- le Christ ressuscité, Epoux victorieux, apparaît/s’unit à l’Epouse-Marie qui l’attendait et l’appelait de tous ses désirs et ce, en authentique Epouse; elle le fait portant en elle chacun de nous, comme mère véritable.
Le passage de l’Evangile de Luc qui suit nous éclaire:
« Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Soyez semblables, vous, à des gens qui attendent leur maître à son retour de Noces, pour lui ouvrir dès qu’il viendra et frappera. Heureux ces serviteurs que le maître en arrivant trouvera en train de veiller!
En vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera mettre à table et, passant de l’un à l’autre, il les servira. Qu’il vienne à la deuxième ou à la troisième veille, s’il trouve les choses ainsi, heureux seront-ils! Comprenez bien ceci: si le maître de maison avait su à quelle heure le voleur devait venir, il n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est à l’heure que vous ne pensez pas que le Fils de l’homme va venir. » (Lc 12,35-40)
L’attente qui nous est demandée a d’abord été réalisée de manière parfaite et unique par une seule personne: Marie. C’est elle qu’il faut contempler, elle est l’Epouse véritable. Dans ce sens, nous sommes invités à lire ce texte de saint Luc d’abord comme une description de ce que Marie a réalisé.
Le texte dit: « Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées ». Il nous dit donc que les reins de Marie étaient ceints, et que ses lampes étaient allumées. Quel est le sens de ces affirmations?
* Ses « reins » étaient « ceints »: veut dire qu’elle a concentré toute son énergie dans la production de cet acte de croire/espérer que le Christ, son fils, ressuscitera comme il l’avait promis. (Les reins sont le symbole biblique de la force.) Elle l’a désiré, elle l’a fait venir.
* Ses « lampes » étaient allumées: de fait le mot est au pluriel pour montrer qu’elle fait cet acte non seulement pour elle-même, mais aussi pour chacun de nous. Ainsi, elle nous porte en elle, et nous fait avancer dans ce « tunnel » obscur des trois jours, dans ce ventre du monstre[2], et nous apprête à la Rencontre/union avec l’Epoux ressuscité.[3]
« Soyez semblables, vous, à des gens qui attendent leur maître à son retour de Noces, » De fait, Marie attend le Christ, elle l’attire, l’aspire, le fait venir. Le premier aspect de la Résurrection ce sont les Noces/réunion qui ont lieu entre la nature humaine qui est morte (le corps et l’âme séparés[4]), et la nature divine qui ne meurt pas. C’est le corps du Christ qui reprend vie, se réunissant à l’âme (et l’esprit).

Il est important non seulement d’attendre, mais d’être présent « pour lui ouvrir dès qu’il viendra et frappera. » En fait, « ouvrir » à l’Epoux est cette rencontre avec lui, rencontre qui est « union sacrée ». Marie était là, durant trois jours interminables, dans les ténèbres les plus épaisses et la lutte[5] la plus féroce qui puisse exister (avec Satan) à l’attendre, afin qu’il trouve quelqu’un pour l’accueillir et s’unir à lui. Car il ne s’agit pas de ressusciter seulement, il s’agit de trouver une « terre » qui l’accueille et qui s’unisse à Lui.
La participation de Marie à l’Incarnation
Pour l’Incarnation: il ne s’agissait pas de trouver un corps et une âme et de les prendre. Il s’agissait de s’unir à un être humain, capable de les lui donner, et de rester uni à Lui. Une collaboration de la part de l’être humain à l’œuvre de l’incarnation était nécessaire. Marie n’est pas un simple instrument passif, elle collabore à l’œuvre même de l’Incarnation-conception-croissance-naissance-éducation-inculturation. Sans Marie, sans sa collaboration constante, l’Incarnation n’aurait jamais pu se parfaire.
Par son effort de Foi, tendue vers l’attente de la Résurrection elle est comme un Pont qui s’étend d’une rive à l’autre: de la rive de la mort du Christ à la porte de sa Résurrection. Nous pouvons relire les paroles de saint Paul décrivant la foi d’Abraham[6] en les appliquant dans toute leur plénitude à Marie: « Espérant contre toute espérance, il crut et devint ainsi père d’une multitude de peuples, selon qu’il fut dit: Telle sera ta descendance. C’est d’une foi sans défaillance qu’il considéra son corps déjà mort — il avait quelque cent ans — et le sein de Sara, mort également; appuyé sur la promesse de Dieu, sans hésitation ni incrédulité, mais avec une foi puissante, il rendit gloire à Dieu, certain que tout ce que Dieu a promis, il est assez puissant ensuite pour l’accomplir. » (Rm 4,18-21) Les paroles deviennent: « Espérant contre toute espérance, elle crut et devint ainsi la Mère de tous les peuples, selon qu’il lui fut dit (par l’Ange): Telle sera ta descendance. C’est d’une foi sans défaillance qu’elle considéra le Corps de son Fils et Seigneur déjà mort, enfoui dans la Terre. Appuyée sur la Promesse de son Fils, Seigneur, Sauveur et Dieu, sans hésitation ni incrédulité, mais avec une foi puissante, elle rendit gloire à Dieu, certaine que tout ce qu’Il a promis (qu’il Ressuscitera le troisième jour), il est assez puissant pour l’accomplir. »
Voilà comment Jean-Paul II exprime, à sa manière, le mystère de la foi de Marie durant ces trois jours. Certes il ne décrit que le moment précis de la Croix et non les heures et jours qui suivent, mais nous pouvons étendre ce qu’il dit aux « trois jours dans le monstre »:
« Marie «garda fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la Croix»[7]: l’union par la foi, par la foi même avec laquelle elle avait accueilli la révélation de l’ange au moment de l’Annonciation. Elle s’était alors entendu dire aussi: «Il sera grand… Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père; il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n’aura pas de fin» (Lc 1,32-33). Et maintenant, debout au pied de la Croix, Marie est témoin, humainement parlant, d’un total démenti de ces paroles. Son Fils agonise sur ce bois comme un condamné. «Objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur…, méprisé, nous n’en faisions aucun cas», il était comme détruit (cf. Is 53,3-5). Comme elle est grande, comme elle est alors héroïque l’obéissance de la foi dont Marie fait preuve face aux «décrets insondables» de Dieu! Comme elle «se livre à Dieu» sans réserve, dans «un complet hommage d’intelligence et de volonté» à celui dont «les voies sont incompréhensibles» (cf. Rm 11,33)! Et aussi comme est puissante l’action de la grâce dans son âme, comme est pénétrante l’influence de l’Esprit Saint, de sa lumière et de sa puissance!
Par une telle foi, Marie est unie parfaitement au Christ dans son dépouillement. En effet, «le Christ Jésus, … de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes»: sur le Golgotha justement, «il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix!» (cf. Ph 2,5-8). Au pied de la Croix, Marie participe par la foi au mystère bouleversant de ce dépouillement. C’est là, sans doute, la «kénose» de la foi la plus profonde dans l’histoire de l’humanité. Par la foi, la Mère participe à la mort de son Fils, à sa mort rédemptrice; mais, à la différence de celle des disciples qui s’enfuyaient, sa foi était beaucoup plus éclairée.
Par la Croix, Jésus a définitivement confirmé sur le Golgotha qu’il était le «signe en butte à la contradiction» prédit par Syméon. En même temps s’accomplissaient là les paroles qu’il avait adressées à Marie: «Et toi-même, une épée te transpercera l’âme». Oui vraiment, «bienheureuse celle qui a cru»! Ici, au pied de la Croix, ces paroles qu’Elisabeth avait prononcées après l’Annonciation semblent retentir avec une éloquence suprême et leur force devient profondément pénétrante. » (Jean-Paul II, Redemptoris Mater,18-19)
Le Catéchisme de l’Eglise Catholique, avec ses intuitions fulgurantes sur Marie, dira de manière plus complète: « la Vierge Marie qui, dans « le pèlerinage de la foi », est allée jusque dans la « nuit de la foi » en communiant à la souffrance de son Fils et à la nuit de son tombeau. » (CEC 165)
La participation de Marie à l’œuvre de la Résurrection
Marie, lors de l’Annonciation et tout au long de sa vie ne fut pas un instrument passif, mais participa pleinement à la mission de son Fils. De même, pour la Résurrection Marie n’est pas un « instrument passif ». La Résurrection ne consiste pas dans le fait de simplement ressusciter le corps du Christ, de le réunir à son âme, et de retrouver ainsi un état glorieux! Jésus a bien ressuscité Lazare. Mais sa résurrection n’est pas simplement une démonstration de la puissance divine, elle est un appel à une participation, elle nous communique la vie divine, elle est une rencontre avec le Dieu ressuscité, une union avec lui.
De plus, pour que la Résurrection ait lieu, le Ressuscité a besoin d’une « terre » qui le reçoive, qui le porte en elle, qui l’attende, le rejoigne dans son nouvel état, et surtout, surtout, qui soit capable de s’unir à Lui en plénitude. Marie est cette unique terre. Marie semble participer au « travail » de la Résurrection en appelant de tout son cœur l’Epoux. Elle semble participer à l’œuvre du Père en l’appelant à la Vie, en le faisant ressurgir.
De plus, elle ne participe point à ce travail d’anastasis (de faire surgir) seulement pour elle-même, elle le fait aussi pour chacun de nous. De fait la Résurrection est aussi et surtout des Noces entre l’Epoux qui revient (après nous avoir préparé une place) et l’Epouse.
Marie, par sa charité immense, englobe tout être humain dans son Sein, et par cette charité appelle le Ressuscité, comme elle le fit pour l’Annonciation.
La passion et mort du Christ a lieu, il part nous préparer une place en Lui. « Trois jours après, il y eut des Noces » (Jn 2,1) entre Lui (revenant du pays des ténèbres, triomphant), et l’Epouse (sortie de son côté sur la Croix) qui l’attendait.
Il est grand le mystère des Noces[8]
Il la voit, l’admire, la contemple, elle qui l’a attendu, il la scrute en profondeur: il note qu’elle a pu percer la nuit la plus épaisse qui soit, celle de sa mort. Le Christ voit la nature profonde de Marie et s’exclame: « Pour le coup, c’est l’os de mes os et la chair de ma chair! Celle-ci sera appelée « Femme », car elle fut tirée de l’homme, celle-ci! » (Gn 2,23) il exprime ainsi la pointe la plus profonde du mystère des Noces, de l’Union, de la conjonction. Il retrouve en elle, en le contemplant, la côte manquante qui a été bâtie en Epouse. Il sent qu’elle est « de lui », extraite « de lui ». Elle lui est semblable et peut collaborer avec lui (lui donner la réplique divine). Elle est vraiment l’Epouse du Logos, « aide » « semblable » (en vis-à-vis, à son niveau). « C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair. » (Gn 2,24) Par le Christ et dans le Christ, l’homme-Adam quitte son Père (Dieu) et sa mère (la première terre, ayant vécu sur elle et étant désormais ressuscité à partir d’elle); Jésus ressuscité quitte les deux origines séparées (la divinité seule, et la terre seule), et s’attache à sa Femme (la Nouvelle Terre), Marie, et ils « deviennent une seule chair » lors de la Résurrection, à l’Aube du Dimanche, quand il se lève et vient à sa rencontre pour s’unir définitivement à Elle. « Et je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu; elle s’est faite belle, comme une jeune Mariée parée pour son Epoux. J’entendis alors une voix clamer, du trône: « Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux; ils seront son peuple, et lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux: de mort, il n’y en aura plus; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé. » Alors, Celui qui siège sur le trône déclara: « Voici, je fais l’univers nouveau. » » (Ap 21,1-5)
« Vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est à l’heure que vous ne pensez pas que le Fils de l’homme va venir. » Le « Fils de l’homme » est le Christ Ressuscité. « Se tenir prêts » veut dire rejoindre Marie dans le Grand mystère de son attente fervente et unique, attente pure et parfaite de l’Epoux Ressuscité. En effet, c’est elle qui nous porte en elle, qui nous fait passer de « l’autre côté », afin d’être prêts quand le Christ ressuscitait pour l’accueillir et s’unir avec Lui. Marie nous « fait passer de l’autre côté » car elle est comme un Pont étonnant, dressé sur l’Abîme, qui s’étend de notre pauvre humanité incapable de faire un Acte de foi en la Résurrection, tendu vers l’avant, nous portant à l’Acte de Foi en « l’autre côté », la Résurrection du Christ, la Rencontre avec le Ressuscité et l’Union avec Lui.
« Alors j’entendis comme le bruit d’une foule immense, comme le mugissement des grandes eaux, comme le grondement de violents tonnerres; on clamait: « Alléluia! » Car il a pris possession de son Règne, le Seigneur, le Dieu Maître-de-tout. » (Ap 19,6) Toute l’humanité, voyant le Christ ressusciter, se réjouit et dit: Alléluia! La Résurrection est une prise de possession de son règne, car la chair du Christ, de morte (non soumise au Règne) elle ressuscite (se joint à l’âme et l’esprit), le Corps du Christ (sa véritable chair qui est chacun de nous) ressuscite.
« 7 Soyons dans l’allégresse et dans la joie, rendons gloire à Dieu, car voici les Noces de l’Agneau, et son épouse s’est faite belle ». Les Noces de l’Agneau sont la rencontre/union qui se réalise entre lui et Marie (qui nous porte en elle). Elle l’attendait, elle a lutté, elle l’a appelé, désiré, fait venir avec toute la force de son être.
Elle fait cela pour elle et pour chacun de nous, elle nous porte en elle. Ainsi, en elle, nous avons été rendus prêts à accueillir l’Epoux à son retour de Guerre (contre le mal, c’est-à-dire la passion et mort, descente aux enfers): « 8 on lui a donné de se vêtir de lin d’une blancheur éclatante » – le lin, c’est en effet les bonnes actions des saints. » Toutes les « bonnes actions des saints » ne sont bonnes que par Marie qui les a formées en elle durant ces trois jours dans le Monstre.
« 9 Puis il me dit: « Ecris: Heureux les gens invités au Festin de Noce de l’Agneau. Ces paroles de Dieu, ajouta-t-il, sont vraies. » » Oui, heureux sommes-nous, qui sommes invités par l’Agneau et son Unique Epouse – nous trouvant en elle – à nous joindre et nous unir à Lui.
Jean le Disciple bien-aimé, celui qui nous fait entrer dans le Mystère de Marie, ne sachant pas encore que le Christ devait ressusciter des morts, ne l’attendant donc pas à son retour de Noces (infidélité suprême), arrivant au tombeau, « se penchant, il aperçoit les linges, gisant à terre; pourtant il n’entra pas ». Voilà que Pierre qui le suivait arrive et entre « dans le tombeau; et il voit les linges, gisant à terre, 7 ainsi que le suaire qui avait recouvert sa tête; non pas avec les linges, mais roulé à part dans un endroit. » Voilà tout ce que Jean expérimente de la Résurrection. Il voit un grand mystère et l’Esprit Saint va l’éclairer et lui faire comprendre la Résurrection. Il voit que le suaire qui avait recouvert la tête du Christ séparé, roulé à part dans un endroit. Dans le Christ total (tête et corps), il comprend que la Tête est comme « roulée à part », ressuscitée.
« 8 Alors entra aussi l’autre disciple, arrivé le premier au tombeau. Il vit et il crut. 9 En effet, ils ne savaient pas encore que, d’après l’Écriture, il devait ressusciter d’entre les morts. »
Jean ici nous transmet deux points très importants et qui sont la clef de la Résurrection:
D’un côté, personne (à part Marie) ne savait, ou n’avait la capacité de savoir, qu’il devait ressusciter d’entre les morts. Marie seule l’a su, et Marie seule l’a attendu et Marie seule s’est unie à Lui: Noces de l’Agneau.
De l’autre côté, il nous dit qu’il vit le mystère de la Résurrection mis en scène par cette manière de ranger les linges. Par Marie qui a cru, l’Esprit lui a fait comprendre que la Tête du Corps était déjà comme roulée à part.
Il vit la parabole, et il cru au mystère qu’elle lui transmettait.
Marie est l’unique canal qui mène à la Résurrection, elle est l’Unique Epouse, pure, qui attend: « Unique est ma colombe, ma parfaite » (Ct 6,9) C’est Marie qui est d’abord l’unique et la parfaite. Elle porte en elle la Jérusalem céleste, l’Eglise, Corps du Christ. C’est par Marie qui la porte en elle et l’enfante qu’elle devient à son tour unique et parfaite. « Elle est l’unique de sa mère, la préférée de celle qui l’enfanta. » (cfr. Ct 6,9-10) La Jérusalem, l’Epouse de l’Agneau, ne peut être considérée pure et parfaite que par celle qui l’a rendue ainsi et a imprimé en elle sa propre pureté et perfection. Si on loue la Jérusalem céleste « les jeunes femmes l’ont vue et glorifiée, reines et concubines l’ont célébrée » c’est Marie sa Mère qu’on loue en elle, car Marie est par excellence et proprement l’Unique et la Parfaite. Ainsi, nous contemplons Marie, celle qui porte en elle les milliards d’humains: « Qui est celle-ci qui surgit comme l’Aurore, belle comme la lune, resplendissante comme le soleil, redoutable comme des bataillons? » (Ct 6,10) Marie se lève et surgit à l’aube du Dimanche de la Résurrection à la Rencontre/union avec l’Epoux-ressuscité. Elle surgit comme l’Aurore qui est le Christ, le Ressuscité. Ressuscitant, il lui dit:
« Lève-toi, ma bien-aimée,
ma belle, viens.
11 Car voilà l’hiver passé,
c’en est fini des pluies, elles ont disparu.
12 Sur notre terre les fleurs se montrent.
La saison vient des gais refrains,
le roucoulement de la tourterelle se fait entendre sur notre terre.
13 Le figuier forme ses premiers fruits
et les vignes en fleur exhalent leur parfum.
Lève-toi, ma bien-aimée,
ma belle, viens!
14 Ma colombe, cachée au creux des rochers,
en des retraites escarpées,
montre-moi ton visage,
fais-moi entendre ta voix;
car ta voix est douce
et charmant ton visage. »
15 Attrapez-nous les renards, les petits renards ravageurs de vignes,
car nos vignes sont en fleur. »
(Ct 2,10-15)
Se levant et allant à sa rencontre et s’unissant à Lui, elle dira: « Mon bien-aimé est à moi, et moi à lui. » (Ct 2,16) Et pour signifier toute l’humanité qu’elle portait en elle lors de cette rencontre, étant lourde et grosse de milliards de personnes enfouis dans on ventre elle dit de lui qu’« Il paît son troupeau parmi les lis. » Ces « lis » étant ces personnes qu’elle prote en elle.
Comment nous approprier la Résurrection?
A nous, pour devenir chrétiens et « croire en la Résurrection », à nous de retrouver notre « foi et notre espérance » à nous qui se trouvent en Marie, et de les utiliser. C’est ainsi que nous pouvons nous approprier la Résurrection du Christ, c’est en passant par le « Chemin étroit » de la Foi de Marie. Un chemin certes étroit car il passe par une personne, mais entrant en elle, nous recevrons « la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur », en elle nous connaîtrons « l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance » et nous entrerons par elle « dans toute la Plénitude de Dieu » (Ep 3,18-19) qui se trouve en Christ.
C’est en son Sein que la capacité de croire, d’espérer et d’aimer est cachée, c’est en son Sein qu’elle est préservée, et qu’elle nous est communiquée, c’est en son Sein que nous sommes rendus capables de croire en la Résurrection, c’est en son Sein que nous vivons ces moments de lutte et d’attente du Ressuscité qui a promis une seule Promesse, qui a dit une seule Parole: « je ressusciterais le Troisième jour ».
Souvent, nous ne nous rendons pas suffisamment compte combien la structure de l’Evangile est bâtie sur la Foi de Marie. On ne se rend pas compte combien notre foi ne peut trouver qu’en Marie sa force et sa vertu. Elle qui a cru et pour elle et pour nous. Elle nous communique la Foi, ses Yeux (pour croire) et son Cœur (pour aimer). Dessin mystérieux de Dieu qui nous a tous enfermés dans son Sein, pour nous porter à la Lumière, nous y faire croire et nous unir à elle!
« Saint Augustin se surpassant soi‑même, et tout ce que je viens de dire, dit que tous les prédestinés, pour être conformes à l’image du Fils de Dieu, sont en ce monde cachés dans le sein de la Très Sainte Vierge, où ils sont gardés, nourris, entretenus et agrandis par cette bonne Mère, jusqu’à ce qu’elle ne les enfante à la gloire, après la mort, qui est proprement le jour de leur naissance, comme l’Église appelle la mort des justes. O mystère de grâce inconnu aux réprouvés, et peu connu des prédestinés! »[9]
Il n’y a pas d’autre chemin pour accéder au Fils de l’Homme que la Femme. « Voici ta Mère » (Jn 19), et « dès cet instant, il la prise chez lui » (Jn 19), dans son coeur, car elle est la source de l’acte que son cœur devra produire: l’acte de Foi en la Résurrection! Il l’a compris!
C’est pour cela qu’il la met au point de départ du processus de purification de notre foi et de son engendrement: à Cana, premier Signe. Et à chaque signe, par la suite, à chacun des 6 + 1 signes qui restent, elle est présente (même si elle n’est point nommée, car « elle descendit avec eux » (Jn 2,12)), et nous porte en elle: car « étant vieux », nous sommes appelés à « entrer à nouveau dans le Sein » de notre Mère, pour y être formés, pour apprendre à faire un acte de foi en la Résurrection de l’Epoux.
« Comment un homme peut-il naître, étant vieux? Comment peut-il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître? » (Jn 3,4)
C’est dans ce Sein que nous pouvons vivre pour la première fois la Résurrection. Hors de ce Sein, il n’y a point de Résurrection possible. C’est ce Sein qui nous a emportés vers la Rencontre du Ressuscité. Voilà le Secret de Jean, secret qu’il nous livre entre les lignes. « Qui a des oreilles pour comprendre, qu’il comprenne ».
Grignon de Montfort nous dit que « Dieu le Saint Esprit veut se former en elle et par elle des élus », et il fait l’Esprit Saint disant à Marie: « Dans mes élus jetez des racines. Jetez, ma bien‑aimée et mon Épouse, les racines de toutes vos vertus dans mes élus, afin qu’ils croissent de vertu en vertu et de grâce en grâce. J’ai pris tant de complaisance en vous, lorsque vous viviez sur la terre dans la pratique des plus sublimes vertus, que je désire encore vous trouver sur la terre, sans cesser d’être dans le ciel.
Reproduisez‑vous pour cet effet dans mes élus: que je voie en eux avec complaisance les racines de votre foi invincible, de votre humilité profonde, de votre mortification universelle, de votre oraison sublime, de votre charité ardente, de votre espérance ferme et de toutes vos vertus. […]
Quand Marie a jeté ses racines dans une âme, elle y produit des merveilles de grâce qu’elle seule peut produire parce qu’elle est seule la Vierge féconde qui n’a jamais eu ni n’aura jamais sa semblable en pureté et en fécondité. » (Traité de la vraie dévotion à la vierge Marie 34-35)
« Marie a produit, avec le Saint Esprit la plus grande chose qui ait été et sera jamais, qui est un Dieu Homme », et c’est elle qui – toujours par l’Esprit Saint – appelé le Fils de l’homme du sein du Monstre, pour qu’il Ressuscite. Elle produit conséquemment les plus grande choses en nous, notre foi en Résurrection. Elle veille à la formation de notre foi et nous procure l’huile qui fait qu’elle brûle d’une Lumière divine. Ainsi, nous allons, en elle et par elle, à la Rencontre de l’Epoux: « à minuit un cri retentit: Voici l’époux! sortez à sa rencontre! Alors toutes ces vierges se réveillèrent et apprêtèrent leurs lampes. […] quand arriva l’époux: celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des Noces, et la porte se referma. » (Mt 25,6-10)
Rejoignons Marie, approchons-nous d’elle, recevons d’elle la Foi, demandons-lui ses Yeux et son Cœur afin de pouvoir Voir le Christ et l’Aimer. A chaque fois que nous allons vers elle, nous recevons cette Vie que Dieu a mise en elle pour nous. Marie a cru, elle est l’Archétype de l’acte de Foi, l’exemple suprême. Et Jésus dit que « celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein » (Jn 7,38) Si Marie est l’Archétype de la foi, non seulement ces paroles du Christ se réalisent en elle de manière parfaite, mais elle en est comme le Moule. De son Sein jaillissent des Fleuves d’Eau vive, à nous d’aller puiser.
Voici comment le Catéchisme de l’Eglise catholique évoque la Foi de Marie (la foi étant surtout « la foi en la Résurrection »):
« La Vierge Marie réalise de la façon la plus parfaite l’obéissance de la foi. » (148) « Aussi bien, l’Eglise vénère-t-elle en Marie la réalisation la plus pure de la foi. » (149) De cette foi, la Vierge Marie est le suprême modèle, elle qui a cru que « rien n’est impossible à Dieu » et qui a pu magnifier le Seigneur: « Le Puissant fit pour moi des merveilles, saint est son nom ». (273) « Par son adhésion entière à la volonté du Père, à l’œuvre rédemptrice de son Fils, à toute motion de l’Esprit Saint, la Vierge Marie est pour l’Eglise le modèle de la foi et de la charité. Par là elle est « membre suréminent et absolument unique de l’Eglise », elle constitue même « la réalisation exemplaire » (« typus« ) de l’Eglise. » (967)
Et comme pour couronner le tout, le Catéchisme nous rappelle une parole profondissime de saint Thomas d’Aquin qui montre le lien profond qui existe entre Marie et chacun de nous: « Elle a prononcé son oui « au nom de toute la nature humaine » » (511) ce lien existe non seulement au moment de l’Annonciation, mais à toutes les étapes de sa vie et surtout au cœur du Monstre Marin. Elle a cru « en notre nom » à la Résurrection, attendu « en notre nom » et a comme attiré le Fils de l’homme à l’aube du Dimanche aussi « en notre nom ». Merci Marie. Toutes les générations te diront bienheureuse, car c’est en toi tous sont nés: « C’est dans Sion qu’ils sont nés. Et de Sion il est dit: Tous y sont nés » (Ps 87,4-5)
Lien entre Marie et la nuit de l’esprit
Par ces développements sur Marie, nous comprenons le lien qui existe entre elle et nous durant la purification. De fait, elle préside à notre formation, à la formation en nous de l’acte de foi pur, cet acte qui signe la fin de notre purification et qui nous permet de « rejoindre » Dieu, de le toucher, en « perçant » les nuages qui nous séparent de lui.
C’est par cet approfondissement du sens de l’action de Marie pour les Apôtres que nous comprenons mieux son rôle pour nous dans notre cheminement spirituel vers l’Union à Dieu – surtout le passage de la purification profonde. Comme les Apôtres, nous sommes appelés à participer à la Passion, à nous approprier la Passion et à y passer. Elle est ce creuset que Dieu nous donne pour purifier notre Foi. Et comme pour les Apôtres, nous n’avons point d’autre refuge que la Foi de Marie pour parvenir à aller à la Rencontre du Ressuscité. La Foi de Marie est ce Pont étonnant et mystérieux, dressé entre terre et ciel, entre la modalité humaine et modalité divine de connaître, d’aimer et de suivre le Christ-Ressuscité. C’est elle qui nous relie au Christ, nous fait parvenir à Lui en plénitude. C’est ce que dit saint Paul quand il affirme: « Ainsi, dès maintenant, nous ne connaissons personne selon la chair; et si nous avons connu Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette manière« (2 Co 5,16) nous le connaissons selon l’Esprit. Saint Jean à sa manière reprend la même notion: « Vous, vous êtes d’en bas; moi, je suis d’en haut. » (Jn 8,24) « Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, lui qui ne fut engendré ni du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu. » (Jn 1,12) « Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas, si je t’ai dit: Il vous faut naître d’en haut. » (Jn 3,6-7) L’acte « né de l’Esprit » et de Marie, voilà l’acte de foi pur auquel nous aspirons. Pour cela, durant notre participation à la Passion, nous nous laissons façonner par Marie, ce Moule de la modalité divine, c’est à dire de la manière pure d’approcher de Dieu.
Marie fait naître en nous la foi purifiée qui nous permet de nous unir à Dieu. C’est par sa Foi, par ses Yeux que Dieu nous donne que nous pouvons aller aujourd’hui à la Rencontre du Ressuscité, comme des vierges sages, portant dans leur lampe l’huile de la Foi de Marie. La Foi en la Résurrection du Fils de l’homme est l’équivalent pour nous de l’Union au Ressuscité (le Mariage spirituel).
Conclusion
Nous revenons à notre question de départ: comment se fait-il que le plus grand mystère à révéler soit si caché dans l’Evangile? Jean de la Croix vient à notre secours pour nous en expliquer les raisons:
« Bientôt alors nous irons
Dans les cavernes très hautes de la pierre:
2 La pierre dont elle parle ici, c’est le Christ, suivant ce que dit saint Paul aux Corinthiens: «Petra autem erat Christus», « La pierre était le Christ » (1Co 10,4). Les hautes cavernes sont les mystères relevés, hauts et profonds en Sagesse de Dieu, qui se trouvent dans le Christ: sur l’union hypostatique de la nature humaine avec le Verbe divin et la correspondance qu’il y a de l’union des hommes en Dieu à l’union hypostatique; et les convenances qu’il y a de la justice de Dieu et de sa miséricorde sur le salut du genre humain, en la manifestation de ses jugements. Lesquels étant si relevés et si profonds s’appellent très proprement de hautes cavernes: hautes pour la sublimité des mystères; cavernes pour la profondeur de leur sagesse; parce que comme les cavernes sont profondes et ont maints détours, de même chaque mystère, de ceux qu’il y a dans le Christ, est très profond en sagesse et a beaucoup de concavités de ses jugements occultes de prédestination et de prescience envers les enfants des hommes; d’où vient qu’elle dit aussitôt:
Elles sont si bien celées! 3 Tellement que quelques mystères et merveilles que les saints Docteurs aient découverts et que les saintes âmes aient entendus en l’état de cette vie, le principal leur est resté à dire et encore à connaître.
De façon qu’il y a beaucoup à approfondir dans le Christ parce qu’Il est comme une mine fertile qui a de nombreuses concavités de trésors qu’on fouille incessamment sans les pouvoir épuiser. Tant s’en faut, en chaque concavité on y va découvrant de nouvelles veines aux richesses nouvelles deçà et delà. C’est pourquoi saint Paul a dit du Christ Lui-même: «Que tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu sont cachés en Lui» ( Col 2,3 ). » (saint Jean de la Croix, Cantique spirituel A, strophe 36,2-3)
Jean Khoury, Londres, 24 Octobre 2006
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« voici le Jour que fit YHWH » (Ps 118,24)
Le Christ dans saint Jean dit quelque chose d’extrêmement puissant et étonnant: « Abraham, votre père, exulta à la pensée qu’il verrait mon Jour. Il l’a vu et fut dans la joie. » (Jn 8,56) Voir le jour signifie le voir né? Quel est le Jour auquel se réfère le Christ? Pour Pâques, nous chantons bien: « Voici le Jour que fit Yahvé, pour nous allégresse et joie. » (Ps 118,24) et nous entendons par là le grand Jour, le jour de Pâques, celui de la Résurrection du Christ. Or ce Jour, c’est le Troisième Jour. Or « le troisième Jour il y eut des Noces » (Jn 2,1). C’est le moment de rencontre de Marie, toute pleine et enceinte de toute l’humanité, qui, telle la Vierge sage, va à la Rencontre de l’Epoux qui vient. Qui peut entrer et comprendre le mystère de cette Rencontre, de ces Noces uniques?! « Voici la Demeure de Dieu parmi les hommes » (Ap 21,3) qui vient à la Rencontre de l’Epoux. Jean est le Grand privilégié qui a été admis à voir ce que l’œil ne peut voir: « Et je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, […] elle s’est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son Epoux » (Ap 21,2) Oui, Marie portant en elle tous ses enfants, se présente, en les portants, à son Epoux. « Soyons dans l’allégresse et dans la joie, rendons gloire à Dieu, car voici les Noces de l’Agneau, et son Epouse s’est faite belle: on lui a donné de se vêtir de lin d’une blancheur éclatante » (Ap 19,7-8) Etonnant mystère que cette rencontre qui a lieu entre Marie et l’Epoux, le troisième jour, le grand jour, le jour qu’Abraham a voulu voir.
Qui est invité à « voir » et « contempler » ce mystère? « Heureux les gens invités au festin de Noce de l’Agneau. Ces paroles de Dieu, ajouta-t-il, sont vraies. » (Ap 17,9) qui peut rejoindre les véritables Noces qui ont lieu entre la Véritable Epouse et Mère et l’Epoux et Père?!
« Viens, que je te montre la Fiancée, l’Epouse de l’Agneau. » (Ap 21,9) Entrer dans le Mystère de Marie Mère, dans le Mystère de sa Charité divine qui lui permet de porter en elle la multitude de l’humanité.
Ce qu’Abraham a vu, c’est bien cette Rencontre mystérieuse, signe de la plus totale victoire contre tout mal, la Rencontre entre l’Epouse véritable et l’Epoux. C’est pour cela que Dieu lui dit: « Voici mon Alliance avec toi » (Gn 17,3), et il lui montra la Rencontre qui a lieu entre la Vierge Sage et l’Epoux. C’est par cette Vierge qu’Abraham peut devenir le Père d’une multitude, car c’est par Marie qu’on peut avoir une des enfants adoptifs de Dieu. Si le verset total dit: « Moi, voici mon alliance avec toi: tu deviendras père d’une multitude de nations. » (Gn 17,3) il faut le diviser en deux parties. D’abord: « Moi, voici mon alliance avec toi » et « tu deviendras père d’une multitude de nations. » Et il faut se rendre compte que Dieu montre à Abraham son Alliance, dans une vision étonnante, et que ceci a lieu entre les deux membres de phrase, juste après « Moi, voici mon alliance avec toi ». Il faut donc marquer un silence en donnant toute sa place à la Vision qu’Abraham a (et que le Christ signale chez saint Jean). Dieu lui montre la Vierge Sage rencontrant l’Epoux Ressuscité, revenant de la Victoire, et s’unissant à Lui. En lui disant: « voici » il lui montre aussi, dans la même vision, la Vierge portant en elle Abraham lui-même et toute sa descendance: « Voici mon Alliance avec toi ».
L’Alliance ce sont ces Noces qui ont lieu le Troisième Jour, le Jour par excellence. Cette Union sacrée et unique qui a lieu est une Union victorieuse, toute de Lumière et d’Amour. Voilà l’objet essentiel de notre contemplation, le point fulgurant d’où jaillit toute la lumière, le mystère de la Rencontre, de l’Union. Le Cœur jaillissant de toute Vision.
Notons aussi combien cette rencontre n’est point une rencontre intime, personnelle et isolée qui a lieu entre Marie et Jésus! Elle est une rencontre mystique qui implique et inclut le monde entier, tous les temps, toutes les générations, tous les humains, passés, depuis la création, présents et à venir, jusqu’à la fin des temps! Ils y sont présents.
Elle l’a attendu, nous portant en elle… nous portant à Lui, nous présentant à Lui. Lui ne voyant en nous qu’Elle!
Personne n’était présent à ces Noces, à cette rencontre, et pourtant tous nous y étions! Quel Mystère! On y rentre par croissance, par choix et non par création[10]! On n’y était pas présent car personne n’a de soi la capacité d’y être: personne n’est capable de croire en la Résurrection seule Marie en a été capable! On y est invité seulement! C’est pour cela qu’il est écrit: « heureux les invités« … c’est le fait d’être invité à ces Noces qui nous réjouit et remplit d’allégresse.
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« Le troisième jour, il y eut des Noces » (Jn 2,1)
Apprêtèrent leurs lampes
ôta l’habit de deuil, revêtit …
« Le troisième jour » se réfère à la Résurrection: Jn 2,19: « en trois jours je le rebâtirais ». Le 3ième jour, Marie est la seule à attendre l’Epoux à son retour!
« Alors il en sera du Royaume des Cieux comme de dix vierges qui s’en allèrent, munies de leurs lampes, à la Rencontre de l’époux. Or cinq d’entre elles étaient sottes et cinq étaient sensées. Les sottes, en effet, prirent leurs lampes, mais sans se munir d’huile; tandis que les sensées, en même temps que leurs lampes, prirent de l’huile dans les fioles. Comme l’époux se faisait attendre, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent.
Mais à minuit un cri retentit: Voici l’Epoux! sortez à sa rencontre! Alors toutes ces vierges se réveillèrent et apprêtèrent leurs lampes. Et les sottes de dire aux sensées: Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent. Mais celles-ci leur répondirent: Il n’y en aurait sans doute pas assez pour nous et pour vous; allez plutôt chez les marchands et achetez-en pour vous. Elles étaient parties en acheter quand arriva l’Epoux: celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la Salle des Noces, et la porte se referma. Finalement les autres vierges arrivèrent aussi et dirent: « Seigneur, Seigneur, ouvre-nous »! Mais il répondit: « En vérité je vous le dis, je ne vous connais pas! » Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. » (Mt 25,1-12) Il n’y a pas 5 vierges sages qui ont de l’huile pour la Rencontre avec l’Epoux! Il n’y en a qu’une Seule: Marie, « Ishsha » (Gn 2), la « Femme » (Jn 2 et 19), « chair de sa chair, os de ses os » (Gn 2) qui sait et peut l’attendre.
Personne ne croyait en la Résurrection, personne n’avait de l’huile dans sa fiole. Jean tient à le dire clairement: « En effet, ils ne savaient pas encore que, d’après l’Ecriture, il devait ressusciter d’entre les morts » (Jn 20,9). Pourtant il fallait bien qu’il y ait quelqu’un qui aille à sa Rencontre quand il se lève! (sinon, la Rencontre ne peut avoir lieu, la jonction avec l’humanité entre le Ressuscité et l’humanité ne pouvait avoir lieu.) Marie seule y croyait. Elle a tenu bon! Elle a lutté! Elle s’est préparée pour la Rencontre. Elle nous a portés en son Sein.
Les Noces premières ont donc lieu au matin de Pâques, le 3ième jour, entre la seule (Ct. 6,9: « unique est ma colombe, ma parfaite ») Vierge pure et sage qui l’attend et Jésus. Cf. le Credo: « et il ressuscita le troisième jour ».
La Résurrection est la réalisation des Noces! Le Sabbat (chrétien) est le jour où les Noces ont lieu. Celles-ci sont la rencontre/union de chacun de nous a lieu avec le Christ: son Corps ressuscite, et est ré-uni à la tête. Elles ont lieux « en Marie », elle est la Salle des Noces, la Chambre nuptiale.
Par son immense charité, Marie, Mère de tout homme, nous porte en elle.
Et c’est ainsi – nous portant en Elle – qu’elle va à la rencontre de l’Epoux ressuscité. Ce qui fait qu’en elle il rencontre chacun de nous.
Cela dit,
« Le troisième jour, lorsqu’elle eut cessé de prier, elle quitta ses vêtements de suppliante et se revêtit de toute sa splendeur. Ainsi devenue éclatante de beauté, elle invoqua le Dieu qui veille sur tous et les sauve. Puis elle prit avec elle deux servantes. Sur l’une elle s’appuyait mollement. L’autre l’accompagnait et soulevait son vêtement. A l’apogée de sa beauté, elle rougissait et son visage joyeux était comme épanoui d’amour. Mais la crainte faisait gémir son cœur. Franchissant toutes les portes, elle se trouva devant le roi. Il était assis sur son trône royal, revêtu de tous les ornements de ses solennelles apparitions, tout rutilant d’or et de pierreries, redoutable au possible. » (Est 5,1-4) Etonnant parallèle qui éclaire ce passage.
Voilà aussi ce qui peut être dit à Marie à ce moment précis:
« Jérusalem quitte ta robe de tristesse et de misère, revêts pour toujours la beauté de la gloire de Dieu, prends la tunique de la justice de Dieu, mets sur ta tête le diadème de gloire de l’Eternel; car Dieu veut montrer ta splendeur partout sous le ciel, et ton nom sera de par Dieu pour toujours: « Paix de la justice et gloire de la piété. » Jérusalem, lève-toi, tiens-toi sur la hauteur, et regarde vers l’Orient: vois tes enfants du couchant au levant rassemblés sur l’ordre du Saint, jubilants, car Dieu s’est souvenu. Car ils t’avaient quittée à pied, sous escorte d’ennemis, mais Dieu te les ramène portés glorieusement, comme un trône royal. Car Dieu a décidé que soient abaissées toute haute montagne et les collines éternelles, et comblées les vallées pour aplanir la terre, pour qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu. Et les forêts, et tous arbres de senteur feront de l’ombre pour Israël, sur l’ordre de Dieu; car Dieu guidera Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, avec la miséricorde et la justice qui viennent de lui. » (Baruch 5,1-9)
« 1 Eveille-toi, éveille-toi, revêts ta force, Sion! revêts tes habits les plus magnifiques, Jérusalem, ville sainte, car ils ne viendront plus jamais chez toi, l’incirconcis et l’impur. 2 Secoue ta poussière, lève-toi, Jérusalem captive! les chaînes sont tombées de ton cou, fille de Sion captive! 3 Car ainsi parle Yahvé: Vous avez été vendus pour rien, vous serez rachetés sans argent. 4 Car ainsi parle le Seigneur Yahvé: C’est en Egypte qu’autrefois mon peuple est descendu pour y séjourner, c’est Assur qui à la fin l’a opprimé. 5 Mais maintenant, qu’ai-je à faire ici? – oracle de Yahvé – car mon peuple a été enlevé pour rien, ses maîtres poussent des cris de triomphe – oracle de Yahvé – sans cesse, tout le jour, mon nom est bafoué. 6 C’est pourquoi mon peuple connaîtra mon nom, c’est pourquoi il saura, en ce jour-là, que c’est moi qui dis: « Me voici. » 7 Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du messager qui annonce la paix, du messager de bonnes nouvelles qui annonce le salut, qui dit à Sion: « Ton Dieu règne. » 8 C’est la voix de tes guetteurs: ils élèvent la voix, ensemble ils poussent des cris de joie, car ils ont vu de leurs propres yeux Yahvé qui revient à Sion. 9 Ensemble poussez des cris, des cris de joie, ruines de Jérusalem! car Yahvé a consolé son peuple, il a racheté Jérusalem. 10 Yahvé a découvert son bras de sainteté aux yeux de toutes les nations, et tous les confins de la terre ont vu le salut de notre Dieu. 11 Allez-vous-en, allez-vous-en, sortez d’ici, ne touchez à rien d’impur, sortez du milieu d’elle, purifiez-vous, vous qui portez les objets de Yahvé. 12 Car vous ne sortirez pas à la hâte, vous ne vous en irez pas en fuyards, c’est Yahvé, en effet, qui marche à votre tête, et votre arrière-garde, c’est le Dieu d’Israël. » (Is 52,1-12)
En quoi consiste la dernière phase de l’attente de Marie, juste avant la Résurrection? Je ne crois pas qu’elle soit surprise dans sa douleur, recroquevillée sur elle-même. Certes ceci pourrait être son état après des heures de lutte contre l’Ennemi chi veut la faire céder au désespoir. Mais non seulement elle lui résiste, elle ira même plus loin. Elle ôte ses vêtements de deuil et se préparer à le recevoir, elle dresse sa beauté comme expression de sa foi la plus complète en la Résurrection. Comme Esther, elle se métamorphose. « Le troisième jour, lorsqu’elle eut cessé de prier, elle quitta ses vêtements de suppliante et se revêtit de toute sa splendeur. Ainsi devenue éclatante de beauté, elle invoqua le Dieu qui veille sur tous et les sauve. » (Est 5,1-2) elle vainc le deuil par sa Foi en la Résurrection, elle ôte ses vêtements de supplication, se revêt de toute sa beauté et va à la Rencontre du Ressuscité. Elle s’adapte déjà à la joie, à la fête, à Lui en tant que Ressuscité! « – Eveille-toi, éveille-toi, revêts ta force, Sion! revêts tes habits les plus magnifiques, Jérusalem, ville sainte » (Is 52,1) « – Jérusalem quitte ta robe de tristesse et de misère, revêts pour toujours la beauté de la gloire de Dieu, prends la tunique de la justice de Dieu, mets sur ta tête le diadème de gloire de l’Eternel » (Baruch 5,1-2) Marie entend ces voix. Elle porte chacun de nous, se pare de toute sa splendeur et va à Sa Rencontre.
Etonnante puissance de la Foi (le regard cf. Ct 4,1) de Marie qui perce les voiles les plus épais! Qui brise la Force de l’Ennemi, brise le Mur de séparation (Ep 2).
Elle se revêt de sa plus belle robe, de ses plus beaux bijoux. Son Visage, ses Yeux, ses Lèvres, son Cou, ses Seins, elle est toute là, dans toute sa splendeur à attendre le Roi Epoux à son Retour!
Quelle Rencontre! Quelle joie!
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Réjouis-toi Jérusalem
Illumine-toi
Réjouis-toi Reine des Cieux
Chez les Byzantins, l’assemblée chante : Resplendis Jérusalem au début de la veillée Pascale? « Jérusalem » est une des appellations de Marie.
C’est un appel à la Joie adressé à Marie.
De même dans la liturgie Latine Romaine, nous avons l’Antienne : « Reine du Ciel réjouis-toi ».
Liturgie Romaine Latine
« Reine du ciel, réjouis-toi, alléluia
car Celui que tu as mérité de porter dans ton sein, alléluia
est ressuscité comme Il l’a dit, alléluia
Prie Dieu pour nous, alléluia.
- Sois dans la joie et l’allégresse, Vierge Marie, alléluia.
- Parce que le Seigneur est vraiment ressuscité, alléluia. »
Pâques, Liturgie byzantine
Vêpres du samedi saint – Vigile pascale et liturgie de saint Basile
[Les vêpres du samedi saint nous font entrer dans la joie de la résurrection de Jésus.
La Résurrection de Jésus est sa victoire sur le mal, le péché et la mort. Elle projette sur la mère de Jésus une lumière glorieuse puisque par la Vierge Marie Jésus s’est incarné et il a pu entreprendre le grand combat de la passion.]
Lucernaire (extrait)
Chantons celle qui est la gloire de l’univers*
éclose en notre humanité*,
la Mère du Seigneur, la porte du ciel,*
la Vierge Marie, celle que chantent les célestes esprits, la parure et l’ornement des fidèles,*
car elle est devenue le ciel,*
le temple de la divinité ; elle a renversé la barrière d’inimitié*
et nous a ramené la paix en nous ouvrant les portes du royaume ; tenant en elle l’ancre de la foi,*
nous avons pour défenseur le Seigneur qu’elle enfanta ;*
prend courage désormais, prends courage peuple de Dieu, car le Seigneur combat tes ennemis*,
le Seigneur tout puissant.
(Guillaume Denis, Le Spoutnik : Nouveau Synecdimos, Diaconie Apostolique, Parme, 1997 ; Paris, 2001, p. 576)
Matin de Pâque, office de matines
[L’office des matines établit un lien entre la résurrection de Jésus et sa naissance virginale (ode 6), et un lien entre l’hommage des mages à l’enfant tendrement emmailloté de langes et l’hommage des saintes femmes au Christ cruellement enveloppé du suaire (Ikos).
L’ode 9 chante la Mère de Dieu dans la joie de la résurrection, le tropaire final aussi, en s’émerveillant sur la Mère d’un tel Fils…]
Ode 6
Sans briser les scellés, ô Christ, tu t’es levé du tombeau, toi qui de la Vierge étais sorti sans briser le sceau de la virginité, et tu nous a rouvert les portes du paradis.
Ikos
[C’est le soleil antérieur au soleil, jadis descendu au tombeau, que les Myrophores cherchaient comme le jour, avant l’aurore se hâtant et l’une à l’autre se disant :]
O mes chères amies, allons embaumer le corps vivifiant de celui qui, au sépulcre enseveli, après sa chute relève Adam ; allons, hâtons-nous et comme les Mages nous prosternant, offrons la myrrhe en hommage à celui qui n’est plus de langes, mais d’un suaire enveloppé. ; et dans les larmes crions-lui : Lève-toi, Seigneur, toi qui nous sauves en nous accordant la résurrection.
Ode 9
Resplendis de lumière, nouvelle Jérusalem, car la gloire du Seigneur a brillé sur toi. Exulte et danse de joie, fille de Sion ; réjouis-toi aussi, sainte Mère de Dieu, en ce jour où ressuscite ton Fils.
Tropaire
Réjouis-toi, demeure sanctifiée, divin tabernacle du Très Haut ; Mère de Dieu, c’est par toi que nous est donnée la joie, et nous crions : tu es bénie entre les femmes, Souveraine immaculée.
(Guillaume Denis, Le Spoutnik : Nouveau Synecdimos, Diaconie Apostolique, Parme, 1997 ; Paris, 2001, p. 605-614.)
Le contenu de la joie
Quel est le contenu de cette joie ? C’est la joie de la rencontre Nuptiale entre l’Epoux Ressuscité et l’Epouse qui l’attendait durant la nuit !
Nous sommes tous enfermés en elle, et nous sommes appelés à prendre part à cette joie.
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Notes
[1] Saint Paul nous invite à participer à la mort du Christ pour être rendus capables de participer à sa Résurrection. « le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts » (Ph 3,10-11) et aussi « Nous portons partout et toujours en notre corps les souffrances de mort de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps. Quoique vivants en effet, nous sommes continuellement livrés à la mort à cause de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre chair mortelle. » (2 Co 4,10-11)
[2] Jonas est resté trois jours dans le ventre du monstre marin: « De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre du monstre marin durant trois jours et trois nuits, de même le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits » (Mt 12,40)
[3] Le pluriel ici renvoie à trois séries de 7 lampes: 1- celle propres de Marie, et 2- celles de l’Epouse de l’Agneau prise dans son ensemble et qui est constituée de Marie élargie à la dimension de toute l’humanité qu’elle porte en elle, comme une Femme enceinte. 3- Portant chacun de nous dans son sein, les 7 lampes de chaque être humain sont ainsi portées par elle.
[4] Le corps et l’âme (âme et esprit), chacun de sont côté, ne sont jamais séparés de la divinité (par exemple le corps du Christ reste uni à la divinité et par conséquent ne se corrompt point).
[5] Cette lutte a mille aspects. Parmi eux, c’est « la maman du Christ » en elle, qui va vaincre sa douleur de mère pour aller au-delà et pardonner au traître. C’est la tentation suprême de ne pas croire en la Résurrection. Le découragement.
[6] « Par conséquent, on peut aussi comparer la foi de Marie à celle d’Abraham que l’Apôtre appelle «notre père dans la foi» (cf. Rm 4,12). Dans l’économie du salut révélée par Dieu, la foi d’Abraham représente le commencement de l’Ancienne Alliance; la foi de Marie à l’Annonciation inaugure la Nouvelle Alliance. Comme Abraham, «espérant contre toute espérance, crut et devint ainsi père d’une multitude de peuples» (cf. Rm 4,18), de même Marie, au moment de l’Annonciation, après avoir dit sa condition de vierge («Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme?»), crut que par la puissance du Très-Haut, par l’Esprit Saint, elle allait devenir la Mère du Fils de Dieu suivant la révélation de l’ange: «L’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu» (Lc 1,35).
Cependant les paroles d’Elisabeth: «Bienheureuse celle qui a cru» ne se rapportent pas seulement à ce moment précis de l’Annonciation Assurément, cela représente le point culminant de la foi de Marie dans son attente du Christ, mais c’est aussi le point de départ, le commencement de tout son «itinéraire vers Dieu», de tout son cheminement dans la foi. Et sur cette route, d’une manière éminente et véritablement héroïque – et même avec un héroïsme dans la foi toujours plus grand -s’accomplira l’«obéissance» à la parole de la révélation divine, telle qu’elle l’avait professée. Et cette «obéissance de la foi» chez Marie au cours de tout son itinéraire aura des analogies étonnantes avec la foi d’Abraham. Comme le patriarche du Peuple de Dieu, Marie de même, «espérant contre toute espérance, crut» tout au long de l’itinéraire de son fiat filial et maternel. Au cours de certaines étapes de cette route spécialement, la bénédiction accordée à «celle qui a cru» sera manifestée avec une particulière évidence. Croire veut dire «se livrer» à la vérité même de la parole du Dieu vivant, en sachant et en reconnaissant humblement «combien sont insondables ses décrets et incompréhensibles ses voies» (Rm 11,33). Marie qui par la volonté éternelle du Très-Haut, s’est trouvée, peut-on dire, au centre même de ces «voies incompréhensibles» et de ces «décrets insondables» de Dieu, s’y conforme dans l’obscurité de la foi, acceptant pleinement, le coeur ouvert tout ce qui est prévu dans le plan divin. » (Jean-Paul II, Redemptoris Mater, 14)
[7] Cfr. Concile Vatican II, Lumen Gentium, chapitre 8 sur la Vierge Marie.
[8] Dans sa lettre aux Ephésiens, saint Paul dit: « Ce mystère est grand; je dis cela par rapport à Christ et à l’Église » (Ep 5,32). Mais n’oublions pas qu’avant que l’Eglise fut, Marie, sa Mère, fut. Et c’est Marie, qui, par l’opération de l’Esprit Saint engendre tous les humains à la vie divine et par conséquent engendre l’Église.
[9] Saint Louis Marie Grignon de Montfort, Traité de la Vraie Dévotion, 33.
[10] Comme le dit saint Augustin: « Dieu ne nous a pas demandé la permission de nous créer, mais il ne nous sauvera pas sans notre collaboration ». Ici aussi, nous n’entrons pas dans le Mystère de cette Rencontre de droit, on y est invité et on collabore à la Grâce, et ce, afin d’être digne d’y entrer.