Le récit qu’en fait Thérèse:
« Cette année [1895], le 9 Juin, fête de la Sainte Trinité, j’ai reçu la grâce de comprendre plus que jamais combien Jésus désire être aimé.
Je pensais aux âmes qui s’offrent comme victimes à la Justice de Dieu afin de détourner et d’attirer sur elles les châtiments réservés aux coupables, cette offrande me semblait grande et généreuse, mais j’étais loin de me sentir portée à la faire.
« O mon Dieu ! m’écriais-je au fond de mon cœur, n’y aura-t-il que votre Justice qui recevra des âmes s’immolant en victimes ?… Votre Amour Miséricordieux n’en a-t-il pas besoin lui aussi ?… De toutes parts il est méconnu, rejeté; les cœurs auxquels vous désirez le prodiguer se tournent vers les créatures leur demandant le bonheur avec leur misérable affection, au lieu de se jeter dans vos bras et d’accepter votre Amour infini… O mon Dieu ! votre Amour méprisé va-t-il rester en votre Cœur ? Il me semble que si vous trouviez des âmes s’offrant en Victimes d’holocaustes à votre Amour, vous les consumeriez rapidement, il me semble que vous seriez heureux de ne point comprimer les flots d’infinies tendresses qui sont en vous… Si votre Justice aime à se décharger, elle qui ne s’étend que sur la terre, combien plus votre Amour Miséricordieux désire-t-il embraser les âmes, puisque votre Miséricorde s’élève jusqu’aux Cieux… O mon Jésus ! que ce soit moi cette heureuse victime, consumez votre holocauste par le feu de votre Divin Amour !… »
« Ma Mère chérie, vous qui m’avez permis de m’offrir ainsi au Bon Dieu, vous savez les fleuves ou plutôt les océans de grâces qui sont venus inonder mon âme… Ah ! depuis cet heureux jour, il me semble que l’Amour me pénètre et m’environne, il me semble qu’à chaque instant cet Amour Miséricordieux me renouvelle, purifie mon âme et n’y laisse aucune trace de péché, aussi je ne puis craindre le purgatoire… Je sais que par moi-même je ne mériterais pas même d’entrer dans ce lieu d’expiation, puisque les âmes saintes peuvent seules y avoir accès, mais je sais que le Feu de l’Amour est plus sanctifiant que celui du purgatoire, je sais que Jésus ne peut désirer pour nous de souffrances inutiles et qu’Il ne m’inspirerait pas les désirs que je ressens, s’Il ne voulait les combler… »
« Oh ! qu’elle est douce la voie de l’Amour !… Comme je veux m’appliquer à faire toujours avec le plus grand abandon, la volonté du Bon Dieu !… » (Ms A 84, r°-v°)

Le texte de l’Offrande tel qu’il fut formulé quelque temps après:
J.M.J.T.
Offrande de moi-même comme Victime d’Holocauste à l’Amour Miséricordieux du Bon Dieu
O mon Dieu ! Trinité Bienheureuse, je désire vous Aimer et vous faire Aimer, travailler à la glorification de la Sainte Eglise en sauvant les âmes qui sont sur la terre et [en] délivrant celles qui souffrent dans le purgatoire. Je désire accomplir parfaitement votre volonté et arriver au degré de gloire que vous m’avez préparé dans votre royaume, en un mot, je désire être Sainte, mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu d’être vous-même ma Sainteté.
Puisque vous m’avez aimée jusqu’à me donner votre Fils unique pour être mon Sauveur et mon Epoux, les trésors infinis de ses mérites sont à moi, je vous les offre avec bonheur, vous suppliant de ne me regarder qu’à travers la Face de Jésus et dans son Coeur brûlant d’Amour.
Je vous offre encore tous les mérites des Saints (qui sont au Ciel et sur la terre) leurs actes d’Amour et ceux des Saints Anges ; enfin je vous offre, ô Bienheureuse Trinité ! l’Amour et les mérites de la Sainte Vierge, ma Mère chérie, c’est à elle que j’abandonne mon offrande la priant de vous la présenter. Son Divin Fils, mon Epoux Bien-Aimé, aux jours de sa vie mortelle, nous a dit : « Tout ce que vous demanderez à mon Père, en mon nom, il vous le donnera ! » Je suis donc certaine que vous exaucerez mes désirs ; je le sais, ô mon Dieu ! (plus vous voulez donner, plus vous faites désirer). Je sens en mon coeur des désirs immenses et c’est avec confiance que je vous demande de venir prendre possession de mon âme. Ah ! je ne puis recevoir la Sainte Communion aussi souvent que je le désire, mais, Seigneur, n’êtes-vous pas Tout-Puissant ?… Restez en moi, comme au tabernacle, ne vous éloignez jamais de votre petite hostie……
Je voudrais vous consoler de l’ingratitude des méchants et je vous supplie de m’ôter la liberté de vous déplaire, si par faiblesse je tombe quelquefois qu’aussitôt votre Divin Regard purifie mon âme consumant toutes mes imperfections, comme le feu qui transforme toute chose en lui-même……
Je vous remercie, ô mon Dieu ! de toutes les grâces que vous m’avez accordées, en particulier de m’avoir fait passer par le creuset de la souffrance. C’est avec joie que je vous contemplerai au dernier jour portant le sceptre de la Croix ; puisque vous [avez] daigné me donner en partage cette Croix si précieuse, j’espère au Ciel vous ressembler et voir briller sur mon corps glorifié les sacrés stigmates de votre Passion…
Après l’exil de la terre, j’espère aller jouir de vous dans la Patrie, mais je ne veux pas amasser de mérites pour le Ciel, je veux travailler pour votre seul Amour, dans l’unique but de vous faire plaisir, de consoler votre Coeur Sacré et de sauver des âmes qui vous aimeront éternellement.
Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes oeuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votre Amour la possession éternelle de Vous-même. Je ne veux point d’autre Trône et d’autre Couronne que Vous, ô mon Bien-Aimé !……
A vos yeux le temps n’est rien, un seul jour est comme mille ans, vous pouvez donc en un instant me préparer à paraître devant vous…
Afin de vivre dans un acte de parfait Amour, je m’offre comme victime d’holocauste à votre Amour miséricordieux, vous suppliant de me consumer sans cesse, laissant déborder en mon âme les flots de tendresse infinie qui sont renfermés en vous et qu’ainsi je devienne Martyre de votre Amour, ô mon Dieu !…
Que ce martyre après m’avoir préparée à paraître devant vous me fasse enfin mourir et que mon âme s’élance sans retard dans l’éternel embrassement de Votre Miséricordieux Amour…
Je veux, ô mon Bien-Aimé, à chaque battement de mon coeur vous renouveler cette offrande un nombre infini de fois, jusqu’à ce que les ombres s’étant évanouies je puisse vous redire mon Amour dans un Face à Face Eternel !…
Marie, Françoise, Thérèse de l’Enfant Jésus
et de la Sainte Face
rel. carm. ind.
Fête de la Très Sainte Trinité
Le 9 juin de l’an de grâce 1895.